« En fait, je n’ai jamais commencé
à dessiner, je l’ai toujours fait. Lorsqu’on m’a appris à écrire, je
n’écrivais pas, je dessinais des signes. » Faire sans s’interroger sur
les raisons profondes qui y incitent, répondre à la vie qui vous traverse
sans demander pourquoi, c’est l’innocence à l’œuvre. Primitive et pure,
elle existe dans chaque réalisation d’Edouard Ovigne. « C’est la matière
qui m’appelle, c’est elle qui m’invite à la travailler » nous dit-il
de la sculpture. Rencontre sensuelle avec la matière avant que de s’y
frotter, chair contre chair, de se mesurer physiquement à elle. Le désir
aussi de faire « parler » autrement le bois, la pierre et les objets
de métal glanés au fil des inspirations. Des matériaux et des objets
symboles qu’il détourne, qu’il accouple, qu’il « cuisine » pour produire
des alchimies nouvelles. Et s’étonner devant elles. Et s’émerveiller
devant les verts de gris, les oxydations, les patines « comme des mues
du temps » mystérieuses et sacrées. « La peinture, c’est
une sorte d’urgence. Il faut que j’attrape quelque chose
qui passe, qui me traverse, qui ne reviendra peut-être pas. ».
La peinture d’Edouard Ovigne est vive, jaillissante, « non préméditée » comme il le dit, toute contenue dans ce temps donné et mesuré où il s’agit de saisir ce qui passe. Des fulgurances colorées de féminité, de mémoire enfouie, de mer… on y ressent le sang qui bat, des réalités qui se mêlent et des signes comme autant de clefs de ces réalités entrevues. Cette expression spontanée, directe s’oppose, en apparence, à celle de sa sculpture où le temps est de son côté et travaille pour lui. En apparence seulement car au-delà des routes empruntées, la finalité est bien la même. Une même question ouverte, une même interrogation du vivant, une même exploration des possibles. Francis Ferré Les raisons pour lesquelles
je travaille ? Je n’en sais rien !... Mon explication est visuelle et
tactile, un repère, une trace inconsciente. Si je pouvais le traduire
avec les mots, je n’utiliserais que les mots ! C’est un état de grâce,
où je me sens en vie, un petit dépassement de l’être, comme pour sublimer
le passage sur terre avec le rêve, la beauté, l’étonnement… qu’il se
passe quelque chose !!! Aurai-je le temps de répondre à toutes ces envies
est ma principale préoccupation ? Je remercie mes parents pour cette
enfance très heureuse et dorée, ce petit soleil intérieur brille toujours
et décuple mes forces.
Edouard Ovigne |